Les lancements à répétition de SpaceX ont complètement changé notre rapport à l’espace. De grand voyage occasionnel, nous sommes passés à l’ère du low cost à répétition. L’ère aussi de l’anthropocène à très haute altitude : voilà que nous avons créé nos propres phénomènes lumineux : les aurores rouges de SpaceX.
Les lancements à répétition de SpaceX créent de nouveaux phénomènes observables dans le ciel : voici l’ère de l’anthropocène à haute altitude
Pourquoi est-ce important ?
Il y a plusieurs manières de concevoir les essais d'un vaisseau spatial de nouvelle génération. Là où la NASA est plutôt prudente et prête à tout reporter pour revérifier le moindre détail, la méthode SpaceX consiste plutôt à multiplier les lancements jusqu'à ce que ça marche. C'est spectaculaire, mais cela fait déjà deux vaisseaux Starship en configuration complète qui explosent.Anthropocène à haute altitude
Bien sûr, l’activité de SpaceX ne se limite pas aux prototypes. La firme envoie aussi en orbite de nombreuses fusées plus petites pour mettre des charges utiles sur orbite. C’est là son business model, avec pour principal avantage que ses lanceurs sont récupérables et réutilisables. Sauf que ce n’est pas sans effets secondaires inattendus sur notre ciel. Les astronomes s’alarment : les lanceurs de SpaceX qui retombent sur Terre provoquent un phénomène stratosphérique inédit, qu’ils ont nommé les « aurores SpaceX ».
Retour en arrière : une aurore, boréale ou australe, c’est quoi ? C’est un phénomène lumineux très impressionnant – superbe, même – qui se produit quand des particules chargées émises par notre Soleil entrent en collision avec le bouclier magnétique de la Terre. Des particules électrisées à haute énergie peuvent alors être captées et canalisées par le champ magnétique terrestre, ce qui, dans un ciel nocturne et dénué de pollution lumineuse, produit de superbes trainées de lumière, bleutée ou verdâtre.
Aurores rouges dans le ciel nocturne
Sauf que maintenant, on peut en observer d’un nouveau type, rougeâtre. Celles-ci se manifestent quand un lanceur de SpaceX perce la haute atmosphère, au décollage, mais aussi et surtout quand il retombe sur Terre. Les fusées en ascension et les propulseurs en désorbitation percent l’ionosphère, détaille Live Science, et le carburant lâché ainsi à haute altitude perturbe les connexions moléculaires. Ce qui fait que les atomes d’oxygène ionisés se recombinent, ou redeviennent des molécules de gaz ordinaires. Cette transformation excite les molécules et les amène à émettre de la lumière rouge.
Concrètement, cela provoque d’étranges phénomènes lumineux, comme de grands orbes rouges, très brillants et observables à l’œil nu. Des phénomènes qui n’ont déjà plus rien d’exceptionnel : les astronomes en observent entre deux et cinq par mois. Ensuite, les molécules recombinées sont réionisées, ce qui referme les trous en 10 à 20 minutes.
Ce ne sont d’ailleurs pas les seules anomalies visuelles que nous devons à Elon Musk. Quand ses lanceurs se retournent afin de se rediriger vers la Terre, ils larguent leurs derniers jets de carburant dans un mouvement de toupie. De quoi créer des étranges spirales dans le ciel, composées en fait des gouttelettes gelées de carburant pour fusée.
Perturbations des systèmes GPS : merci SpaceX
Ces trous ionosphériques ne présentent aucun danger pour la vie à la surface de la Terre. Mais ils sont très embêtants pour les professionnels du ciel, insiste auprès de Spaceweather.com Stephen Hummel, astronome et coordinateur à l’Observatoire McDonald, qui aimerait observer les phénomènes naturels sans se retrouver éblouis par les loupiotes spatiales de SPaceX. « Leur impact sur la science astronomique est encore à évaluer », rappelle-t-il, « Et c’est un sujet croissant de préoccupation. »
En outre, ces perturbations des charges magnétiques en haute altitude peuvent perturber la communication radio à ondes courtes et interférer avec les signaux GPS. Et ça n’est que la partie émergée de l’iceberg. Nous n’avons aucune idée des effets à long terme de ces nouveaux phénomènes d’origine humaine. Rappelons que l’ionosphère et le bouclier magnétique sont nos seules protections face aux colères du Soleil, et déjà ainsi, parfois, elles ne suffisent pas.