Le risque de récession demeure bien réel

L’économie belge a pu afficher des taux de croissance raisonnables au cours des derniers trimestres, mais les perspectives restent plutôt sombres. Le risque de récession dans les prochains trimestres demeure bien réel.

Malgré l’ambiance de crise, l’économie belge a continué de croître de manière raisonnable au cours des derniers trimestres. Au deuxième trimestre, l’activité économique en Belgique était de 0,9 % supérieure à celle de l’année précédente. Notre pays se porte donc nettement mieux que la moyenne européenne (0,5 %) et la moyenne des pays voisins (0,2 %). Cela s’explique en grande partie par le pouvoir d’achat plus fort des ménages en Belgique grâce à l’indexation automatique des salaires. À court terme, cela se traduit par plus de pouvoir d’achat, plus de dépenses des ménages et donc une croissance économique accrue.

Les effets néfastes sur la position concurrentielle et la future augmentation du pouvoir d’achat ne se manifesteront que plus tard. Ce schéma classique où l’économie belge parvient d’abord à absorber un choc inflationniste, pour ensuite supporter ses coûts pendant des années, se reproduira très probablement. La facture des récents taux de croissance raisonnables se fera sentir au cours des prochaines années. Mais à plus court terme, il y a des signaux inquiétants pour notre économie. Les risques de récession demeurent bien réels pour les trimestres à venir.

Les différents pays européens en récession – Croissance économique en Europe (Changement annuel réel en % au Q2 2023)

Le risque de récession persiste

L’envolée spectaculaire des prix de l’énergie, notamment des prix du gaz européens, a suscité toutes sortes de scénarios catastrophes il y a environ un an. Finalement, cela s’est avéré assez limité. La récession redoutée a largement été évitée en Europe. Mais c’était tout juste : au cours des trois derniers trimestres, l’économie européenne a stagné. Plusieurs pays, dont l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, ont bel et bien sombré en récession. En Allemagne et aux Pays-Bas, le recul de l’activité économique est resté limité pour le moment (respectivement 0,5 % et 0,7 %), mais en Suède et en Pologne, la contraction a déjà atteint plus de 2 %. Et il n’est pas immédiatement évident de pointer ce qui pourrait améliorer la situation à court terme.

Les hausses de taux d’intérêt par les banquiers centraux dans la plupart des pays industrialisés visent à freiner l’économie pour faire baisser l’inflation. En effet, les taux d’intérêt plus élevés pèsent sur les projets d’investissement et sur le marché immobilier. Cependant, l’impact de ces hausses de taux ne se fait sentir qu’avec un certain délai. Bien que, par exemple, les prix des maisons soient déjà sous pression dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis et dans les pays scandinaves, une grande partie de l’impact des taux d’intérêt plus élevés reste à venir. Cela assombrit les perspectives économiques pour les prochains trimestres.

Augmentation des taux hypothécaires (pour les nouveaux contrats d’une durée initiale d’au moins 10 ans, en %)

Politique en mode « austérité »

De plus, les gouvernements de différents pays européens doivent progressivement s’atteler à remettre leurs finances publiques en ordre après la crise du COVID-19 et la crise de l’inflation. Cela signifie que la plupart des gouvernements passeront d’une politique budgétaire stimulante à une politique en mode « austérité ». Même s’ils agiront probablement avec prudence, cela pèsera tout de même sur l’activité économique.

En outre, l’industrie, notamment en Europe (avec l’Allemagne en tête), est clairement sous pression en raison d’une combinaison de coûts énergétiques plus élevés et de changements structurels dans l’industrie automobile. Par le passé, l’industrie a souvent été un indicateur précoce pour le reste de l’économie. Le fait que ce secteur soit sous pression n’annonce donc rien de bon pour le reste de l’économie.

Face à ces tendances négatives, il y a toutefois un marché du travail qui se maintient relativement bien dans la plupart des pays industrialisés, ainsi qu’un certain soulagement chez les consommateurs maintenant que la crise de l’inflation semble s’atténuer. Cela constitue certainement un tampon contre les mauvaises nouvelles, mais ne suffira probablement pas à ramener l’économie à un rythme de croissance normal à court terme.

La Belgique n’y échappe pas

Nos principaux partenaires commerciaux sont en récession, et toute l’économie européenne est au bord du précipice. Cela aura inévitablement des conséquences sur l’économie belge. Notre industrie souffre de la crise allemande, et les perspectives de demande dans le secteur de la construction demeurent très sombres. La confiance des entrepreneurs a de nouveau chuté à des niveaux qui, dans le passé, correspondaient à une économie en contraction. Dans notre nouvelle enquête Voka auprès de 600 entreprises flamandes, près de la moitié des répondants pointent un manque de demande comme leur principale préoccupation pour les six prochains mois.

Sur le chemin de la récession ? Activité économique en Belgique : En orange, PIB réel (variation annuelle en %) – En vert, confiance des entrepreneurs (BCE, corrigée sur la saison)

Les chiffres économiques raisonnables de la première moitié de l’année ne sont donc en aucun cas une garantie pour les trimestres à venir. Dans le meilleur des cas, nous risquons de continuer à lutter avec une faible croissance économique. Cependant, il ne faut pas grand-chose pour faire basculer les chiffres de croissance dans le négatif. Une nouvelle flambée des prix de l’énergie, un repli plus profond que prévu dans le secteur de la construction et sur le marché immobilier, une récession de plus longue durée que prévu dans l’industrie allemande… Le risque de récession pour les trimestres à venir reste bien réel, même en Belgique.


L’auteur Bart Van Craeynest est économiste en chef du Voka et l’auteur du livre Retour aux faits (Terug naar de feiten en version originale).

(SR)

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