L’Union européenne va – enfin – interdire totalement le commerce des défenses d’éléphant

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le commerce d’ivoire n’est pas totalement prohibé, même s’il est très fortement encadré. D’autres animaux, comme l’hippopotame ou le morse, produisent cette substance blanche et dure sur leurs dents et leurs défenses, mais c’est l’ivoire d’éléphant qui fait l’objet des législations les plus draconiennes. Avec toutefois des exceptions très précises à l’embargo, qui va encore se resserrer.

La Convention CITES, qui régule le commerce international des espèces animales et végétales menacées, a inscrit l’éléphant, d’Asie comme d’Afrique, sur son Annexe I, soit parmi les espèces dont tout commerce est interdit. La Convention est entrée en vigueur en Belgique en 1984 et elle est de nos jours généralisée dans l’Union européenne.

Ivoire certifié ancien

Mais l’âge de l’ivoire a son importance : les objets travaillés datant d’avant 1984 et/ou importés avant 1990 avec une autorisation peuvent encore être vendus légalement au sein de l’UE, à condition qu’ils soient accompagnés d’un certificat européen délivré par la CITES, et qui assure que cet ivoire a bien été importé avant l’embargo. Un document qui peut être obtenu, dans notre pays, via la section CITES du portail Web du SPF Santé, même si dans les faits, il reste très difficile de démontrer précisément l’âge et la provenance d’un objet en ivoire. En règle général, les souvenirs de l’époque coloniale ne sont guère aisément certifiés, leur acquisition étant souvent assez obscure.

Mais c’est plus compliqué encore quand il s’agit de défenses brutes. Celles-ci présentent plus de risques d’être issues du braconnage, et elles sont fort susceptibles d’être finalement retaillées pour alimenter le marché illégal de l’ivoire. Jusqu’à présent, en plus d’être soumis aux mêmes règles que les objets sculptés, les fragments bruts devaient aussi être marqués. Mais la CITES vient de durcir encore plus les règles : à partir du 19 janvier prochain, les États membres ne délivreront plus de certificats européens autorisant la vente de défenses. Et les certificats européens délivrés préalablement pour de l’ivoire ancien cesseront d’être valables à compter du 19 janvier 2023. A partir de cette date, il n’y aura donc plus de possibilité de vendre ou d’acheter des défenses d’éléphant sur le territoire de l’UE.

Patrimoine artistique

Il ne s’agit toujours pas d’une interdiction totale de cette matière organique : l’ivoire est très présent dans notre patrimoine, que ce soit dans l’art ancien ou comme pièces essentielles de certains vieux instruments de musique, comme sur les archets des violons par exemple. La CITES ne veut pas condamner le marché de l’art, et encore moins le patrimoine des musées, mais ériger des obstacles supplémentaires entre un commerce légal très encadré, et la contrebande et le braconnage.

Les réexportations d’objets en ivoire travaillé seront désormais très limitées. Seules seront autorisées les (ré)exportations d’instruments de musique comportant de l’ivoire datant d’avant 1975 et les (ré)exportations d’objets en ivoire ou comportant de l’ivoire datant d’avant 1947 et représentant un haut intérêt culturel, artistique ou historique qui seraient vendus à des musées. Ceux-ci devront avoir obtenu les documents CITES requis.

Matière très importante dans le patrimoine esthétique mondial, l’ivoire a été fort utilisé dans l’art religieux européen, en particulier au Moyen-Age. Mais la chasse à outrance des éléphants sauvages, aux XIX et XXe siècles a provoqué des dommages sans doute irréparables pour les différentes espèces de ces animaux, en particulier en Afrique. D’une population estimée à 20 millions d’individus avant la colonisation européenne, il ne restait déjà plus que trois à cinq millions d’éléphants africains au début du XXe siècle. De nos jours, les infortunés pachydermes de sept tonnes ne sont plus que 400.000 ou 500.000.

L’exception du mammouth

À noter toutefois que les règles de la CITES s’appliquent toujours pour des espèces animales ou végétales bien précises ; l’embargo sur les défenses d’éléphant ne s’applique donc pas à celles des mammouths. Et leur commerce n’a rien d’anecdotique : à travers la Russie, on en trouve régulièrement qui émergent du permafrost, et cet ivoire se revend 350 et 1.750 euros le kilo, principalement en Chine, mais on l’utilise aussi parfois en Europe en bijouterie, ou pour remplacer les pièces d’ivoire des instruments de musique anciens. À 60 kg la défense, c’est une prospection rentable, mais qui a été suspectée de servir à blanchir de l’ivoire bien plus récent issu d’éléphants. À tel point qu’en 2019, à la conférence mondiale de la CITES, l’octroi du statut d’espèce protégée a été évoqué pour le mammouth laineux afin de pouvoir réguler le commerce de ses défenses, 4.000 ans après sa disparition.

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