Les insectes pollinisateurs se raréfient, menacés par les pesticides et la destruction des écosystèmes. Mais les plantes s’adaptent. Sauf qu’une marche arrière évolutive de 100 millions d’années n’a rien d’une promenade sans histoire.
C’est l’un des symboles de l’effondrement des écosystèmes qui nous pend au nez. Les insectes pollinisateurs – les différentes espèces d’abeilles, mais aussi les bourdons et bien d’autres – sont menacés, et le système de reproduction de nombreuses plantes avec eux.
Sauf que la nature, en temps normal, est plutôt bien fichue. Dans un bel exemple de sélection darwinienne, certaines espèces apprennent à grande vitesse à se passer de ces auxiliaires de reproduction. Ce qui n’est pas pour autant une bonne nouvelle, car il s’agit plus d’une fuite en avant que d’un retour vers un nouvel équilibre.
Des plantes qui se passent des pollinisateurs
- Ce sont des chercheurs du Centre National français de la Recherche Scientifique (CNRS) et de l’Université de Montpellier qui tirent l’alarme. En analysant le patrimoine génétique de pensées des champs, plante herbacée de la famille des Violacées, et en comparant des plantes modernes avec celles issues de graines récoltées il y a plusieurs dizaines d’années, ils ont constaté une évolution notable.
- Les plantes modernes ne dépendaient plus forcément d’insectes pollinisateurs pour se reproduire. Dans 27% des cas, les pensées étaient capables d’auto-pollinisation, plutôt que de compter sur un petit animal pour transporter du pollen d’une fleur à l’autre.
- C’est la première fois qu’un tel phénomène est observé, et qu’une telle proportion d’une espèce s’adapte aussi vite à une nouvelle donne. Alors que la symbiose entre plantes à fleurs et animaux pollinisateurs est le fruit d’une longue évolution, qui fonctionnait depuis au moins 100 millions d’années.
- « Nous avons documenté une évolution des traits vers des corolles plus petites et moins visibles, une réduction de la production de nectar et une moindre attractivité pour les bourdons, avec ces changements de traits convergents à travers les quatre populations étudiées » détaillent les chercheurs français, cités par Science Alert. Une véritable perte des traits qui permettent aux plantes d’attirer les insectes, car elles commencent à pouvoir s’en passer. La théorie de l’évolution de Darwin, observable sur une échelle de temps finalement très courte, d’un point de vue humain.
Une fuite des plantes en avant
Une bonne nouvelle, qui prouve que « la nature trouve toujours un chemin », pour paraphraser Jurassic Park ? Oui, mais non : car c’est un nouveau péril pour les insectes, qui voient une source de nourriture se raréfier. Ou plus précisément, ne la « voient » plus, puisque les fleurs ne déploient plus de pétales vifs et des odeurs attirantes.
- La surface de la fleur était en moyenne environ 10% plus petite par rapport à celles qui fleurissaient il y a 20 à 30 ans, selon l’étude, tandis que les niveaux de production de nectar avaient chuté de 20%.
- Pour les plantes, ça n’est pas beaucoup mieux. Car la pollinisation par un acteur tiers permet de véritables « accouplements » entre individus distincts, et donc une plus grande variété génétique de l’espèce. À s’autoféconder, les pensées risquent d’appauvrir leur génome assez vite. Ce passage à « l’autosuffisance en matière de reproduction », pour reprendre les mots des scientifiques, n’a rien d’anodin.
« Cette étude démontre que les systèmes de reproduction des plantes peuvent évoluer rapidement dans les populations naturelles face aux changements environnementaux en cours. [Mais] L’évolution rapide vers un syndrome d’auto-pollinisation peut à son tour accélérer davantage le déclin des pollinisateurs, dans une boucle de rétroaction éco-évolutionnaire avec des implications plus larges pour les écosystèmes naturels. »