Pablo Escobar a beau être mort depuis 1993, le souvenir du mafieux, qui a grandement popularisé la figure du narcotrafiquant, est encore des plus vivaces. C’est particulièrement vrai en Colombie, où est né et a péri le baron de la drogue, et où de nombreux lieux maintiennent en vie sa mémoire. On peut citer l’emblématique Hacienda Nápoles, maison d’époque coloniale devenue palais pharaonique, avec un zoo personnel à destination du trafiquant. Or, celui-ci est la source d’un souci de taille : les fameux hippopotames de Colombie.
Ces animaux sont issus des infortunés pensionnaires du zoo de Pablo Escobar, et ont été laissés en liberté dans une zone chaude et marécageuse du département d’Antioquia. Le problème, c’est qu’ils s’y plaisent très bien, l’écosystème étant parfait pour des hippopotames, qui se sont rapidement multipliés dans le bassin du fleuve Magdalena. À l’origine au nombre de quatre, ces animaux représentent une population d’environ 80 individus, selon un recensement datant de 2020, ce qui en fait le plus grand groupe d’hippopotames à l’état sauvage hors d’Afrique. Et comme ils n’ont pas de prédateur, on estime que sans intervention, leur nombre pourrait croître jusqu’à 400, voire 5.000 pour les plus alarmistes, d’ici à 2050.
Des hippo de Colombie en Inde et au Mexique
Or les « hippopotames de Pablo Escobar » comme on les appelle couramment sont considérés comme une espèce invasive. Ils chassent des espèces locales déjà menacées, comme les loutres ou les lamantins, gênent la pêche, et perturbent l’équilibre chimique des rivières avec leurs déjections, tout en représentant un danger très réel pour les habitants de la région. Les hippopotames comptent déjà parmi les animaux les plus dangereux au monde en Afrique ; sans lions, crocodiles ou hyènes pour prélever leur tribut sur les jeunes, ni sécheresse pour réguler leur population, ils risquent bien de le devenir encore plus en Amérique du Sud.
Un danger que la Colombie aimerait bien circonscrire une bonne fois pour toutes, mais sans faire de mal aux animaux. Les autorités ont déclaré qu’elles prévoyaient de capturer et de déplacer près de la moitié des hippopotames dans les mois à venir, 10 d’entre eux étant destinés au sanctuaire d’Ostok, dans le nord du Mexique, et 60 à une installation non encore nommée en Inde. Une opération qui devrait coûter 3,5 millions de dollars, mais largement financée par Ernesto Zazueta, un défenseur mexicain de l’environnement.
La stérilisation, une coûteuse impasse
C’est beaucoup, mais c’est à la fois plus efficace et moins cher que de stériliser les animaux, comme cela avait été envisagé précédemment. Car pour enrayer la multiplication des naissances, il faut anesthésier l’animal et s’en approcher assez près pour savoir s’il s’agit d’un mâle ou d’une femme – par palpation. Une opération qui peut se chiffrer à 100 millions de pesos colombiens par animal, soit dans les 21.000 dollars par tête. Il y a également un risque que l’animal se noie s’il s’échappe et se réfugie dans l’eau alors que l’anesthésiant lui a été injecté. D’autres tentatives de stérilisation par médicaments ont aussi été essayées, sans grand succès ; en tout, une trentaine d’animaux semblent avoir été stérilisés.
« La solution serait de les déplacer, mais ce n’est pas facile. Même si le gouvernement équipe des vétérinaires avec des camions ou des hélicoptères, il n’y a nulle part où mettre ces animaux » déplorait en 2016 Carlos Valderrama, de l’ONG Webconserva. Les hippopotames ayant grandi dans un biome différent, les relâcher en Afrique risquerait de transmettre de nouvelles maladies aux populations autochtones. Mais cette fois, il semblerait qu’on ait enfin trouvé un foyer à des animaux qui, somme toute, sont aussi des victimes de la mégalomanie d’un seul humain criminel.