Si la Belgique veut jouer un rôle important dans le monde sans cesse en mouvement de la technologie financière, une alliance privée-publique est nécessaire de toute urgence pour faire de Bruxelles et de la Belgique une plaque tournante de l’innovation dans le domaine de la fintech. C’est ce qui ressort du Digital Finance Summit qui s’est tenu vendredi dernier à Bruxelles.
Dans l’actualité : le Digital Finance Summit, qui s’est déroulé à The Egg près de la gare du Midi, est la grand-messe annuelle de la fintech où se présentent aussi bien des acteurs établis comme Mastercard et Visa que des startups méconnues. Le salon de la fintech a accueilli environ 600 participants, dont 40 % venaient de l’étranger. « Cela montre que Bruxelles a acquis une légitimité internationale dans le monde de la fintech », déclare le co-organisateur Jean-Louis Van Houwe, président de l’organisation faîtière FinTech Belgium.
Mais Jean-Louis Van Houwe, plus connu comme fondateur de l’entreprise de chèques électroniques Monizze, est aussi le premier à relativiser. « J’étais au salon de la fintech de Singapour au début de l’année. Il n’y avait pas 600, mais 66.000 participants venus d’Asie, d’Europe et des États-Unis. Cet événement était donc 100 fois plus important. Et il y a aussi des méga-événements à Dubaï et à Abou Dhabi. »
En images : le paysage fintech de Singapour, que Bo Gao d’AI Club Asia est venu présenter à Bruxelles, est déjà impressionnant avec 700 entreprises :

En outre : la concurrence est également rude en Europe, avec non seulement les villes financières traditionnelles de Londres et de Paris qui se profilent comme des centres fintech, mais aussi Amsterdam, le Grand-Duché de Luxembourg et les États baltes.
Pôle d’innovation
En profondeur : la Belgique perd du terrain en tant que ville fintech dans plusieurs classements internationaux. Le fait que Bit4you, la première plateforme cryptographique belge, ait disparu cette année dans des circonstances troubles n’arrange pas les choses. Selon FinTech Belgium, une alliance entre les gouvernements, les régulateurs et les entrepreneurs fintech est nécessaire pour que Bruxelles – et par extension la Belgique – soit mieux positionnée en tant qu’écosystème pour la technologie financière.
- Van Houwe envie le centre d’innovation The Lhoft (Luxembourg House of Financial Technology), où le régulateur luxembourgeois, le ministère des Finances et la fédération bancaire locale tirent la charrue, en s’appuyant sur le statut historique du Luxembourg en tant que centre bancaire.
- En France et à Singapour, les fonds publics respectifs Bpifrance et GCI injectent des millions dans les jeunes entreprises de fintech. Le fonds public belge SFPIM pourrait jouer ce rôle avec plus d’insistance, espère-t-on.
- Un centre d’innovation belge devrait également organiser des formations ciblées, estime Van Houwe. Singapour a récemment fait parler d’elle en tant que meilleur pays dans le classement PISA sur l’éducation. « Nous n’avons pas de pétrole ni de terres rares. Notre seul atout est notre cerveau. Malheureusement, les chiffres de PISA montrent que la Belgique ne va pas dans la bonne direction.
B2C ou B2B ?
Zoom avant : les pays européens situés au nord de la Belgique, comme les Pays-Bas avec Adyen et Mollie ou la Suède avec Klarna, peuvent se targuer d’avoir des entreprises de fintech qui sont devenues de grandes marques de consommation. La Belgique devrait se concentrer sur sa force traditionnelle, qui n’est pas le B2C (business-to-consumer), mais le B2B (business-to-business). C’est en effet le consensus général dans le secteur financier belge.
- Van Houwe : « Le pôle d’innovation public-privé dont nous rêvons ne devrait pas seulement se spécialiser dans la fintech, mais même choisir une spécialisation au sein de la fintech. Je pense à des applications B2B comme la finance embarquée, des logiciels financiers que les entreprises non financières peuvent intégrer dans leurs opérations. »
- « Dans le secteur B2C, une montée en puissance rapide est nécessaire et la loi du « gagnant prend tout » s’applique. Dans le secteur B2B, différentes voies sont possibles pour parvenir à une activité durable. Environ 80 % des membres de FinTech Belgium travaillent dans le B2B. Il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine, surtout avec la vague d’IA qui a commencé. »
Surprenant : ce que beaucoup d’entrepreneurs détestent pourrait être un atout dans la fintech : La réglementation européenne.
- « Alors que le cadre réglementaire est le même dans toute l’UE, la réglementation dans les pays de l’ANASE est très fragmentée », déclare Gao.
- Van Houwe : « On avait l’habitude de dire que les États-Unis innovent, que la Chine copie et que l’Europe réglemente. Entre-temps, le monde a changé, mais il est vrai que l’Asie et le Moyen-Orient s’inspirent souvent de l’Europe en matière de réglementation ».
- Ce n’est pas une coïncidence si l’un des ateliers du Digital Finance Summit avait pour thème « la réglementation comme opportunité ».
(JM)