Maladies respiratoires, empoisonnement au plomb, trou dans la couche d’ozone, décès précoce et autres joyeusetés, sans parler du réchauffement climatique ; on sait depuis longtemps que nos pollutions atmosphériques sont la source de tous les maux. Mais il y en a un autre qui vient d’être mis en évidence, et qui pourrait s’avérer catastrophique, à la prochaine pandémie par exemple.
Antibiotiques : le vrai péril que la pollution fait peser sur nous n’est pas celui qu’on croit
Pourquoi est-ce important ?
Les antibiotiques comptent parmi les plus belles découvertes de l'espèce humaine : ces médicaments servent à lutter contre les infections dues à des bactéries, de la pneumonie à la peste bubonique, et peuvent éliminer ces bactéries ou au moins bloquer leur prolifération. Mais cela marche de moins en moins : les bactéries mutent en permanence et deviennent résistantes. Or, on ne découvre pas assez régulièrement de nouvelles armes efficaces. L'Institut Pasteur estime que, chaque année, la résistance aux antibiotiques tue 33.000 personnes en Europe.L’actualité : cette résistance aux antibiotiques pourrait bien être liée à la pollution atmosphérique, selon une nouvelle étude de portée mondiale.
- Celle-ci porte sur plus de 100 pays sur près de deux décennies, et elle trouve un lien systématique entre le taux de pollution de l’air et la résistance des bactéries, dans chaque pays et sur chaque continent. Et celle-ci se renforce avec le temps.
« La résistance aux antibiotiques et la pollution de l’air sont chacune à leur manière parmi les plus grandes menaces pour la santé mondiale. Jusqu’à présent, nous n’avions pas une image claire des liens possibles entre les deux, mais ce travail suggère que les avantages de la lutte contre la pollution de l’air pourraient être doubles : non seulement cela réduira les effets néfastes de la mauvaise qualité de l’air, mais cela pourrait également jouer un rôle majeur dans la lutte contre la montée et la propagation des bactéries résistantes aux antibiotiques. »
Hong Chen, professeur à l’Université de Zhejiang en Chine et auteur principal de l’étude
Course aux armements
Zoom arrière : étudiés dans les années 1930 et utilisés massivement à partir de la Seconde Guerre mondiale avec la pénicilline (mais à l’époque seulement dans le camp des Alliés), les antibiotiques sont notre meilleure arme contre beaucoup de maladies.
- Attention toutefois : ils n’ont aucune efficacité directe contre les virus, comme celui de la grippe, bien que leur usage peut aussi soulager des syndromes infectieux que ceux-ci causent aussi. Les antibiotiques n’éliminent vraiment que les bactéries, mais c’est déjà énorme.
- Sauf qu’on les utilise mal : on en surprescrit, parfois pour tout et n’importe quoi, et on en gave même notre bétail. Notre consommation a bondi de 50% depuis le début du XXIe siècle.
- Une omniprésence qui donne aux bactéries la possibilité de s’y confronter, de muter, et de s’adapter. Nous sommes donc engagés dans une course aux armements, dans laquelle il nous faut de nouveaux antibiotiques, toujours plus efficaces, pour maintenir notre avantage. Or, on en développe très peu – aussi pour des raisons de rentabilité.
Zoom avant : l’étude anglo-chinoise, qui a été publiée dans le Lancet Planetary Health journal, n’avance pas de cause : elle constate juste une corrélation difficile à attribuer au hasard. Et elle rappelle qu’à l’échelle mondiale, on estime que la résistance bactérienne cause 1,3 million de décès par an, pour des infections qui seraient normalement soignables.
Résistance génétique
- L’étude met en évidence le rôle des particules fines de type PM2,5, 30 fois plus petites que la largeur d’un cheveu humain, et rejetées par la pollution routière, les processus industriels et la combustion domestique de charbon et de bois. Celles-ci pourraient abriter des bactéries résistantes aux antibiotiques et capables de transmettre génétiquement leur résistance à d’autres populations bactériennes.
- L’enjeu est de taille : pour prendre un exemple extrême, un patient atteint de la peste bubonique à Madagascar avait été pris en charge à temps et traité aux antibiotiques habituels en 1995. Mais ça n’a pas fonctionné. Il a fallu huit traitements successifs avec à chaque fois un médicament différent pour enfin combattre la bactérie. Un cas de multirésistance qui, encore aujourd’hui, terrifie les chercheurs.