Demain, la Vivaldi fixera le montant des économies à réaliser pour 2024. Un kern hier, des consultations bilatérales dans la soirée et des IKW (groupes de travail inter-cabinets) aujourd’hui devraient permettre au Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) de dénouer le nœud demain. Le consensus semble être une réduction du déficit de 0,2%, soit 1,2 milliard d’euros l’année prochaine. Ces chiffres doivent être transmis à la Commission européenne au plus tard à la fin de ce mois, pour la planification pluriannuelle. En octobre, lors de l’élaboration du budget 2024, la traditionnelle bataille politique pour déterminer d’où proviendra cet argent commencera. Mais d’ores et déjà, la Commission veut savoir comment la Belgique ramènera son déficit sous la barre des 3% du PIB. Cet effort s’annonce très lourd : le Bureau du Plan parlait d’économiser 16 milliards d’euros, le Conseil supérieur des Finances (CSF) a calculé qu’un effort total de 12 milliards est nécessaire, jusqu’en 2026, pour y parvenir. Cela signifie 4 milliards pour chaque année à venir. Ecolo et le PS s’y sont vivement opposés mercredi. « Ne peut-on pas remplacer les membres du CSF, avec leurs idées démodées et orthodoxes sur la dette ? », a suggéré Georges Gilkinet, vice-premier ministre d’Ecolo. Le PS est convaincu que la Commission n’interviendra de toute façon pas si la Belgique ne fait rien de plus. Même si finalement, un consensus semble se dessiner.
Dans l’actualité : Demain, la Commission européenne obtiendra de la Belgique des éclaircissements sur la manière dont elle veut maîtriser ses finances publiques.
Les détails : Le gouvernement transmet la patate chaude au gouvernement suivant : il devra commencer par économiser des milliards, simplement pour respecter les normes européennes.
- « Nous y sommes presque, bien que la réunion n’ait pas été évidente », a déclaré hier un participant du kern à propos de cette histoire de gros sous. En effet, alors qu’à la Chambre et au Parlement flamand (et bientôt aux Parlements wallon et bruxellois), les politiciens se disputaient sur leurs propres pensions, au sein du gouvernement fédéral, il était question de la situation dans son ensemble : les finances publiques dans les années à venir.
- Le temps presse : la Commission européenne attend un plan pluriannuel pour la fin du mois, afin d’avoir une idée des ambitions et des perspectives de la Belgique. Aujourd’hui, celles-ci ne sont guère réjouissantes : la Belgique accuse un déficit budgétaire de 27 milliards d’euros, soit les pires chiffres de toute l’Union européenne.
- Un déficit de 4,3% du PIB, soit 25 milliards d’euros, est désormais prévu pour l’année prochaine. On est encore loin de la limite imposée par l’Europe aux États membres, à savoir un déficit maximum de 3%. Ces dernières semaines, toutes sortes d’organismes, tels que le Bureau du plan et le Conseil supérieur des finances, ont préparé plusieurs scénarios afin de pouvoir présenter à la Commission européenne une trajectoire permettant de remettre de l’ordre dans les finances belges.
- La date cible est 2026 : ce n’est qu’à ce moment-là, de manière réaliste, que cette limite pourrait être à nouveau atteinte. En soi, la Commission n’y voit pas d’inconvénient, pour autant que la voie soit claire. Plusieurs scénarios ont immédiatement émergé du CSF : une voie extrêmement stricte (que même le libéral Pierre Wunsch, gouverneur de la Banque nationale, a jugée trop stricte), une voie moyenne et une voie « douce ».
- Cette dernière est toute relative : même dans ce cas, il faudrait faire un effort de pas moins de 2,1% du PIB, soit 12 milliards. Autrement dit : 4 milliards d’économies au cours des trois prochaines années. Pas de quoi s’amuser pour la prochaine coalition. Seul point positif : en mars, lors du conclave budgétaire, la Vivaldi a déjà commencé à faire des économies, parce qu’ils savaient ce qui les attendait. À l’époque, De Croo et consorts avaient réussi à faire 1,8 milliard d’euros d’efforts. Il reste donc encore beaucoup de chemin à parcourir.
L’essentiel : un nouvel exercice attend la Vivaldi, en octobre. Mais dès à présent, le Premier ministre et ses vice-premiers ministres veulent se mettre d’accord sur l’ampleur de l’effort à fournir.
- A priori, on n’attend jamais grand-chose d’un gouvernement dans sa dernière année d’exercice : mais ici, l’examen du budget en octobre, en vue de l’élaboration de 2024, est extrêmement difficile, avec beaucoup de positionnement politique dans ce qui ressemble furieusement à une pré-campagne électorale. Mais en raison de la pression européenne, et plus tard peut-être des marchés financiers, les choses sont quelque peu différentes aujourd’hui.
- C’est pourquoi ce que la Vivaldi communique maintenant est important : tout effort promis à l’Europe aujourd’hui doit être concrétisé en octobre. En d’autres termes, le cadre est déjà fixé, les détails suivront lors de l’élaboration finale du budget à l’automne.
- Et après un contrôle budgétaire acharné en mars, avec des tiraillements et de vifs échanges, le président du PS, Paul Magnette, parlant même d’un « climat hostile » contre Karine Lalieux (PS), hier, tant le PS qu’Ecolo ont fait la tête : encore des économies à réaliser ?
- L’aile gauche de la Vivaldi a resserré son étau : le PS ne croit pas vraiment aux menaces de la Commission européenne, dans le cas où la Belgique ne ferait pas d’efforts l’année prochaine. Cela a suscité quelques réactions au sein du noyau dur : « Le PS se rend-il compte de ce qu’il donne au prochain gouvernement, en guise d’héritage ? Et Magnette le veut-il réellement, lui qui songe à une Vivaldi II ? » Le CD&V et les deux partis libéraux veulent aller de l’avant, Groen et Vooruit sont un peu plus en retrait de la discussion.
- Mais le vice-premier ministre écolo, Georges Gilkinet, en particulier, a fait du bruit : il avait préparé un plan pour faire exactement 0 % d’effort, dans les années à venir. En revanche, il aurait bien fait remplacer les membres du Conseil supérieur des finances, avec « leurs idées démodées et orthodoxes sur la dette ». Gilkinet a dépeint le Conseil comme comité truffé de membres de droite de la précédente coalition suédoise. Toutefois, le PS compte également des personnes ayant une étiquette « rouge » au sein de ce conseil.
- Mais l’écologiste voulait surtout préserver les « investissements » et la « cohésion sociale ». Le fait qu’Ecolo ait lancé ces dernières semaines des propositions telles que l’autorisation pour les travailleurs de s’absenter trois jours sans certificat médical n’a pas rendu tout cela particulièrement crédible : le fossé entre les visions socio-économiques est soudainement devenu très important au sein du gouvernement.
- En fait, les verts et les socialistes veulent traiter les investissements nécessaires dans la transition énergétique et écologique en dehors des limites budgétaires. Un débat européen est encore en cours à ce propos, et les deux partis de gauche aimeraient que la Belgique pousse en ce sens.
- Mais la Vivaldi est d’accord sur un point : un effort « considérable » a déjà été consenti en mars, et l’on veut voir comment ces mesures fonctionnent maintenant. C’est pourquoi tous veulent de toute façon inclure les 0,6% déjà économisés en mars pour l’année prochaine : à quoi il faudrait ajouter 0,2% d’effort à réaliser en 2024. Cela fait donc un effort combiné de 0,8%, autant que celui qui devra suivre en 2025 et 2026.
- C’est un peu de l’arithmétique optimiste, mais tout le monde semble pouvoir s’en accommoder d’ici à vendredi, date à laquelle le kern devra se revoir : « Je sais que tous les membres de l’opposition disent déjà que ce ne sera pas suffisant, mais c’est quand même un gros effort que tout le monde fait. Chaque département doit se faire un peu mal », a déclaré une source libérale après la réunion.
Vue d’ensemble : L’héritage de De Croo pèsera sur la prochaine législature.
- Le prochain gouvernement sera quoi qu’il arrive sous pression : pour 2025 et 2026, il y aura un effort supplémentaire de 4 milliards d’euros à faire chaque année, soit 0,8% du PIB, à « trouver » dans le budget. C’est la seule manière d’atteindre un déficit de 2,9% du PIB en 2026. C’est une tâche ardue, dans un budget fédéral où il n’y a pas beaucoup de place.
- En effet, le coût de la sécurité sociale continue d’augmenter fortement en raison du vieillissement de la population, de sorte qu’il y a de moins en moins d’endroits où « trouver » des milliards supplémentaires. Seule la création de nouveaux impôts semble alors une solution, mais la droite est horrifiée par cette idée, dans un pays qui est déjà l’un des plus taxés au monde.
- Il y a une autre complication beaucoup plus politique : l’examen du budget 2025 a normalement lieu en octobre 2024. Or, s’attendre à ce qu’un gouvernement fédéral soit en place d’ici là est assez utopique si on se réfère aux dernières négociations. D’autant plus que les élections communales ont lieu le même mois.
- « En tout cas, cela créera la pression nécessaire pour former rapidement une équipe, et éventuellement oublier les contorsions communautaires, pour se concentrer sur le socio-économique », note un membre de la Vivaldi en visant la N-VA.
- La Vivaldi a du boulot si elle veut rempiler pour un second tour : en mettant en place une réforme des pensions et une réforme fiscale. Ces deux réformes ont aussi le potentiel de rendre le budget structurellement plus sain, indépendamment de tous les exercices de réduction budgétaire. La seule question est de savoir quelle marge de manœuvre laisseront la gauche (pensions) et la droite (réforme fiscale) de la Vivaldi. Pour le moment, les chances d’un impact fiscal majeur semblent plutôt faibles.