Les nouvelles règles budgétaires de l’Union européenne obligeront la Belgique à se serrer la ceinture dans les prochaines années. Un effort considérable est déjà sur la table du prochain gouvernement. De l’austérité, comme le craint la gauche ? Il serait plus juste de parler de sobriété, quand on sait que 55% de notre PIB sont consacrés aux dépenses publiques.
Si l’accord trouvé cette semaine par les ministres des Finances est entériné par le Parlement et le Conseil européen, les nouvelles règles budgétaires de l’UE s’appliqueront dès le budget 2025. Ces règles peuvent paraître a priori plus souples, mais elles contraindront la Belgique à faire un effort considérable. Car l’UE a bien l’intention d’appliquer réellement des sanctions, cette fois-ci.
Un critère en particulier concerne notre pays : parmi les États dont la dette dépasse les 100% du PIB, un effort de 1% par an sera exigé. L’effort sera à réaliser en 4 ou 7 ans, selon les objectifs fixés. Or, en 2023, la dette totale de la Belgique est évaluée à 106% du PIB, avec un déficit de 4,9%, le deuxième plus gros dérapage de l’UE, après la Slovaquie.
Avec le coût du vieillissement et la hausse des taux d’intérêt, notre dette pourrait atteindre les 110% du PIB d’ici 2026, si rien n’est fait. La Banque nationale estime en effet que notre déficit, toutes entités confondues, dépasserait à nouveau les 5%, à politique inchangée.
Rien que pour stopper cette hémorragie, l’institution bancaire estimait plus tôt cette semaine qu’un effort de 2 milliards d’euros par an était nécessaire sur les 5 prochaines années, soit 0,4% du PIB, pour un total de 10 milliards d’euros au bout de la prochaine législature. Vous l’aurez compris, les nouvelles règles budgétaires imposent effort plus de deux fois supérieur, à 1% du PIB par an, soit entre 4 et 5 milliards d’euros par an.
L’institut Bruegel a évalué l’effort de la Belgique à 30 milliards d’euros pour parvenir à ramener la dette en dessous des 100%. Si vous réalisez cet effort sur 4 ans, cela représente environ 7 milliards par an. Si vous réalisez cet effort sur 7 ans – réparti sur deux législatures, donc – cela représente un effort de 4 milliards d’euros par an.
Austérité ?
Bien sûr, le PS et certains syndicats ont déjà sorti le refrain de l’austérité, qu’ils refusent. Selon eux, elle n’avait pas porté ses fruits après la crise financière et la crise de la dette qui l’a suivie. Mais peut-on parler d’austérité quand notre niveau de dépense publique est de 55% du PIB, le deuxième taux le plus élevé de l’UE, après la France ? Le FMI, dans ses dernières prévisions, estime même qu’on décrochera la première place dans les années à venir.
Peut-on parler d’austérité quand on vit au-dessus de ses moyens ? Ce qui est surtout vrai pour les entités sud du pays, d’ailleurs. Selon des études récentes du Cerpe, le Centre de recherches en économie régionale et politique économique de l’UNamur, la dette par rapport aux recettes propres va exploser dans les années à venir :
- La dette de la Wallonie pourrait passer de 124,4% de ses revenus actuels à 172,4% en 2028.
- À Bruxelles, cette dette par rapport aux recettes passerait de 194% à 286% en 2028.
- La Fédération Wallonie-Bruxelles verrait sa dette progresser de 83,1% à 118,9%.
- Quant à la Flandre, sa dette atteindrait seulement 86% de ses revenus en 2028.
Sobriété
Dans son dernier ouvrage, « La vie large« , Paul Magnette, le président du PS, développe le concept « d’alter-croissance », qu’il oppose à la croissance démesurée des dernières décennies, basée sur notre consommation d’énergies fossiles – une croissance qu’il jugeait toutefois nécessaire au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Le concept « d’agrowth« , qu’il a réexpliqué cette semaine au nord du pays dans une interview livrée à Knack, est à mi-chemin entre la croissance et la décroissance, un concept qu’il juge contre-productif pour convaincre la population. L’alter-croissance, elle, est basée sur la sobriété, pour une prospérité moins intensive en carbone.
Cette sobriété, le bourgmestre de Charleroi devrait d’abord l’appliquer à ses propres finances publiques. La ville de Charleroi est en effet à nouveau contrainte d’emprunter 120 millions d’euros pour pouvoir boucler son budget. Avant de parler d’austérité et d’alter-croissance, il faudrait d’abord entrer dans l’ère de la sobriété des dépenses publiques.
Un pays en crise y a été forcé. Le bonnet d’âne de l’UE durant la crise de la dette. Ce pays vient d’être élu pour la deuxième année consécutive l’économie la plus florissante des économies avancées par le magazine The Economist. Vous l’aurez deviné, ce pays, c’est la Grèce. Comme quoi, tout le monde peut y arriver. La sobriété ne tue pas.