Comme un avant-goût de la campagne électorale. On a vu ces derniers jours une pluie de déclarations absurdes sur notre budget, y compris des propositions pour des taxes supplémentaires. La dure réalité est celle-ci : nous faisons face à un déficit trop important et insoutenable, les efforts pour s’en sortir doivent principalement se concentrer sur les dépenses publiques.
Ces dernières semaines, il y a eu beaucoup de commentaires étranges sur nos finances publiques. Après l’établissement du budget il y a quelques semaines, le Premier ministre Alexander De Croo a indiqué que la situation de nos finances publiques s’améliorait et que, avec deux autres années d’efforts similaires, notre budget serait remis sur les rails. Cette semaine, l’ex-président de Vooruit, Rousseau, a plaidé pour un assouplissement des règles budgétaires européennes pour laisser plus de place aux investissements et moins se concentrer sur les économies. De plus, une étude de la Banque Nationale sur la nécessité urgente de réformes du système de pensions pour assurer leur financement a été suivie par une réponse nonchalante de la FGTB, suggérant que le problème de financement peut être facilement résolu avec des contributions/taxes plus élevées. Et enfin, il y avait aussi le PTB qui semblait lancer sa campagne avec un nouvel appel pour une taxe sur les millionnaires qui devrait rapporter au moins 8 milliards d’euros. Aucune de ces déclarations n’est compatible avec la dure réalité de l’état actuel de nos finances publiques.
Perspectives budgétaires inquiétantes
La semaine dernière, la Commission européenne a publié ses nouvelles perspectives économiques, et elles dressent un tableau très différent de nos finances publiques par rapport aux déclarations mentionnées ci-dessus. Quelques ‘points forts’ :
- Le déficit budgétaire belge devrait atteindre 4,9% du PIB cette année, et rester autour de 5% dans les années à venir. En comparaison, dans la zone euro, le déficit budgétaire devrait être progressivement réduit à 2,7% en 2025.
- La dette publique belge continue d’augmenter, passant de 104,3 % du PIB en 2022 à 107,3 % en 2025. En moyenne, dans la zone euro, la dette publique diminuera pendant cette période de 92,5 % à 89,5 %.
- À noter : dans tous les autres États membres ayant une dette publique de plus de 100 % du PIB (les pays méditerranéens), cette dette diminuera au cours des prochaines années.
- Les dépenses publiques totales de la Belgique devraient atteindre cette année 54,9 % du PIB, le deuxième plus élevé d’Europe. La moyenne dans la zone euro est de 49,4 %. Cette différence de 5,5 % du PIB correspond à 32 milliards d’euros.
- La pression fiscale totale en Belgique devrait s’élever à plus de 43,5 % du PIB en 2023, après le Danemark et la France, la plus élevée d’Europe.
Donc, en résumé : nous faisons face à un déficit budgétaire extrêmement élevé, avec des dépenses publiques déjà élevées (et en augmentation) et une forte pression fiscale. Cela devrait immédiatement mettre en perspective les plaidoyers pour des dépenses supplémentaires et des impôts supplémentaires.
Regarder les dépenses
La prochaine législature devra réaliser un effort budgétaire de 2,5 % du PIB, soit environ 15 milliards d’euros, rien que pour ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB (le seuil minimal fixé par l’Europe). Tout comme d’autres organisations telles que le FMI, l’OCDE ou la Banque Nationale, la Commission européenne braque une fois de plus les projecteurs sur les dépenses publiques croissantes qui sont à l’origine de la dérive de nos finances publiques. Le(s) prochain(s) gouvernement(s) devra(ont) prendre des mesures pour remettre ces dépenses sous contrôle. Cela sera surtout politiquement difficile, surtout après une campagne électorale où probablement, de divers côtés, émergeront toutes sortes de propositions pour des dépenses supplémentaires.
Forte pression fiscale en Belgique :
Les plaidoyers pour des revenus gouvernementaux supplémentaires via des contributions plus élevées ou de nouvelles taxes ignorent le simple fait que nous avons déjà une des plus fortes pressions fiscales d’Europe. Et en particulier, l’appel pour une taxe sur les millionnaires se distingue dans ce domaine. Avec une telle taxe supplémentaire d’au moins 8 milliards comme le propose le PTB, nous aurions la pression fiscale totale la plus élevée en Europe. En outre, une nouvelle étude du Bureau du Plan a mis encore plus en perspective l’idée des taxes sur le patrimoine. En 1990, il y avait 12 pays européens avec une telle taxe sur le patrimoine, qui rapportait en moyenne 0,18 % du PIB. Au niveau belge, cela correspondrait à 1 milliard d’euros. La plupart de ces pays ont d’ailleurs depuis supprimé cette taxe. Aujourd’hui, seulement trois pays en Europe ont une véritable taxe sur le patrimoine.
Politique budgétaire sérieuse
Le prochain gouvernement doit de toute façon s’atteler à remettre un peu d’ordre dans nos finances publiques. Quelle que soit la composition de ce prochain gouvernement, cela nécessitera des efforts considérables. Nous ne pouvons plus nous permettre de continuer à patauger avec le budget pour une législature de plus.
L’auteur Bart Van Craeynest est économiste en chef au Voka.
(SR)