C’est enfin acté : Ariane 6 décollera un jour. Mais cela s’est fait après un long bras de fer entre les 22 pays qui participent au programme spatial européen. Car ceux-ci ne regardent plus tous dans la même direction.
Comment peser dans l’espace entre les titans américains et chinois, quand en plus les acteurs privés se multiplient dans le secteur du lancement de fusées ? C’est la question à laquelle le programme spatial européen peine à trouver une réponse unanime. Alors qu’il se retrouve sans lanceur fonctionnel jusqu’à ce qu’Ariane 6 soit enfin prête.
Un budget pour Ariane 6
- Une situation qui s’est d’ailleurs débloquée : après de longues négociations, les ministres européens chargés de l’espace se sont mis d’accord sur le financement de la fusée. Un accord sous condition de 340 millions d’euros chaque année pendant trois ans à partir de 2026.
- La France participera à hauteur de 55,3 % détaille Le Monde, suivie par l’Allemagne (21 %) et l’Italie (7,6 %). Le restant étant réparti entre les dix autres pays participants au projet, parmi lesquels la Belgique, avec trois de nos entreprises participant au chantier.
- C’est un feu vert bienvenu : Ariane 6 a accumulé les retards et les hausses de budget. Or, le départ à la retraite de sa grande sœur Ariane 5 n’a pas pu être retardé indéfiniment. Son dernier envol, en juillet dernier, a laissé l’Agence spatiale européenne, l’ESA, sans lanceur. Et ça risque de durer jusqu’au deuxième trimestre 2024.
- Or, l’invasion de l‘Ukraine a sonné la fin de la collaboration avec les Russes de Roscosmos. Il ne reste donc que les acteurs privés pour donner un coup de pouce aux satellites, c’est-à-dire, jusqu’à présent, Space X.
Un programme spatial européen désuni ?
Cette bonne nouvelle pour le programme spatial européen ne doit pas éclipser la difficulté des négociations. Car le programme Ariane n’est plus si évident que par le passé.
- Il y a d’abord une tentation à la préférence nationale. L’Italie, troisième contributrice financière pour Ariane, développe aussi son propre lanceur de plus petite taille, Vega-C. Celui-ci est censé partager des pièces avec la fusée européenne.
- Mais leur remplacement par des pièces ukrainiennes – suite aux retards de la fusée de l’ESA – a probablement causé la destruction d’un prototype. Les Italiens ont donc obtenu que Vega-C, quand il sera prêt, ne soit pas commercialisé par Arianespace.
- Ensuite il y a les Allemands. Ceux-ci jugent le programme « trop français » dans l’esprit, c’est-à-dire trop bureaucratique. Ils préféreraient un système basé « à l’américaine » où chaque lancement est attribué à un acteur qui remplit au mieux le cahier des charges. En outre, le gouvernement allemand regrette le choix d’un lanceur non réutilisable, alors que Space X a démontré qu’on pouvait faire autrement.
- Ceux-ci ont obtenu que d’ici 2025, le programme spatial européen s’oriente au gré des besoins vers des lanceurs privés, semi-privés ou publics, plutôt que de se reposer sur une grosse prouesse technologique.
Conclusion : le programme spatial européen n’est pas mort avec Ariane 5. Mais il devient un sujet négociable entre les attentes des différents contributeurs de l’ESA. Et le modèle français, avec ses couteuses prouesses technologiques de prestige, n’est plus forcément adéquat dans un secteur devenu soudainement bien plus concurrentiel.