L’ex-magnat de la cryptomonnaie, Sam Bankman-Fried (SBF), a été jugé coupable par un jury new-yorkais des sept accusations portées contre lui. Sa peine sera prononcée le 28 mars ; il encourt jusqu’à 110 ans d’emprisonnement.
L’actu : Après moins de cinq heures de concertation, le jury a déclaré SBF coupable.
Contexte : Bankman-Fried avait ambitionné de devenir le souverain incontesté de la cryptomonnaie avec sa plateforme FTX. Cependant, il y a un an, un déficit de 8 milliards de dollars fut découvert dans les comptes de l’entreprise, menant à l’effondrement de son empire bâti sur des fondations précaires.
- « L’industrie de la cryptomonnaie est peut-être récente, mais ce genre de corruption est vieille comme le monde », a souligné le procureur Damian Williams.
- Mark Cohen, l’avocat de SBF, a exprimé son respect pour le verdict du jury tout en se disant déçu. « Monsieur Bankman-Fried maintient son innocence et continuera de se défendre avec vigueur face aux accusations », a-t-il affirmé. Selon le Financial Times, son équipe de défense envisage de faire appel.
Manipulations comptables
Le procès, qui s’est étendu sur cinq semaines, s’achève donc. Trois anciens collaborateurs de premier plan de Bankman-Fried ont témoigné, admettant tous une faute pour fraude, à l’exception de SBF qui a plaidé non coupable.
- Leurs témoignages ont confirmé les soupçons : Bankman-Fried a manipulé les comptes de FTX et d’Alameda Research, société affiliée mais indépendante.
- Les fonds de l’entreprise et les dépôts des clients étaient indistinctement mélangés. Des millions de dollars issus de ces derniers ont servi à des donations politiques et à financer le train de vie somptueux de SBF.
- Des prêts occultes permettaient de transférer des fonds à Alameda Research, qui les dépensait sans pouvoir les rembourser.
- Lors d’un fléchissement du marché des cryptomonnaies en novembre de l’année passée, les clients ont cherché à retirer leurs fonds de FTX, révélant que la société manquait de liquidités, ce qui a précipité sa chute.
- SBF a été arrêté le 12 décembre 2022 dans son penthouse aux Bahamas.
Clôture d’un procès hors du commun
Caroline Ellison, ancienne directrice d’Alameda Research et ex-compagne de SBF, a joué un rôle pivot dans ce procès.
- Dans son témoignage, corroboré par l’enregistrement secret d’une réunion, elle a avoué qu’Alameda avait la possibilité d’emprunter des fonds de FTX en continu.
- Plus étonnant, elle a également révélé que SBF accordait beaucoup d’importance à « sa chevelure noire et sauvage », persuadé qu’elle lui permettait de recevoir des bonus plus importants et faisait partie intégrante de son identité.
- Par ailleurs, Bankman-Fried avait minimisé la régulation du secteur crypto en la qualifiant de simple « PR » (relations publiques), en ajoutant « fuck the regulators« . L’ancien magnat se disait pourtant en public en faveur d’une meilleure régulation.
- SBF et ses associés avaient recours à Signal, une application effaçant automatiquement les messages, ce que le jury a considéré comme indicatif de leur culpabilité. De plus, le témoignage personnel de SBF au tribunal, inhabituel dans ce genre de cas, l’a soumis à un interrogatoire intensif pendant plus de deux jours.
- Les efforts de son avocat pour le dépeindre comme un nerd maladroit et dépourvu d’intentions criminelles, ayant seulement fait de mauvais jugements, n’ont pas convaincu le jury.
Verdict
Le 28 mars, Bankman-Fried entendra sa sentence et devrait probablement interjeter appel.
- Il est à noter que ce procès n’englobe pas l’ensemble des charges retenues contre SBF. Il a été reconnu coupable de fraude, de conspiration pour commettre cette fraude, de conspiration en matière de fraude sur les matières premières, de fraude sur les valeurs mobilières, de blanchiment d’argent et de complot visant à tromper la Commission électorale fédérale.
- Il est également accusé de corruption d’au moins un fonctionnaire chinois. Le gouvernement de la Chine avait gelé près d’un milliard de dollars des fonds d’Alameda, suspectant une irrégularité. SBF aurait tenté de débloquer ces fonds en proposant un dessous-de-table de 150 millions de dollars.
- Pour couronner le tout, SBF est accusé d’avoir utilisé l’argent dérobé à ses clients pour financer des dons politiques de plusieurs dizaines de millions de dollars. Environ 40 % (!) des membres du Congrès américain auraient bénéficié de ces fonds, et seulement quelques-uns ont remboursé les sommes reçues.